Améliorer l’efficacité de tri grâce à l’IA
publié le vendredi 31 octobre 2025
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Alors que les performances de tri restent disparates selon les matériaux concernés – moins de 30% des plastiques collectés sont recyclés en France et que les gisements connaissent une complexification et massification progressives, les centres de tri des déchets et leurs partenaires équipementiers travaillent à optimiser les flux pour améliorer la valorisation matière et gagner en rentabilité. L’intelligence artificielle s’invite à cette course à la performance opérationnelle et accompagne la transformation vers des centres de tri 4.0.
Tomra poursuit le développement de sa technologie d’apprentissage profond
Pour Tomra, l’IA et les données font depuis longtemps partie intégrante de ses activités de R&D et de son portefeuille de produits, avec des applications spécifiques dans l’apprentissage automatique et la reconnaissance. En 2019 déjà, l’entreprise avait introduit la première technologie de deep learning du secteur pour le tri des déchets. Cette innovation combine la technologie d’apprentissage profond avec les capteurs traditionnels de Tomra, permettant le tri de matériaux difficiles à classer, tels que l’élimination des cartouches de silicone PE des flux de polyéthylène (PE).
Première entreprise à avoir testé l’application PET Cleaner de GAINnext™ élaborée par Tomra Recycling Sorting pour séparer les plastiques clairs et bleu des plastiques blancs opaques difficiles à détecter, Nord Pal Plast avait pu atteindre un taux de pureté jamais atteint de son PET en sortie d’usine. «La technologie de deep learning GAINnext™peut être facilement intégrée dans les machines Autosort™ existantes et fonctionne à des vitesses de tapis pouvant atteindre 5 m/sec, une vraie prouesse technique. Forte de ce succès, la solution a récemment été déclinée aux déchets en papier-carton», indique Frédéric Durand, directeur général de Tomra France.
La digitalisation des process se poursuit. Tomra a en effet annoncé deux acquisitions de taille en 2024 : une prise de participation de 25% dans la start-up belge PolyPerception, spécialiste de l’analyse des déchets via l’IA et de 80% dans c-trace, expert allemand en solutions numériques pour la gestion des déchets. «En renforçant notre coopération avec PolyPerception, nous combinons nos systèmes avancés de tri des matériaux et notre solution de contrôle basée sur le cloud avec l’analyse innovante des matériaux de l’entreprise. Cette synergie nous permet d’améliorer l’optimisation de l’ensemble du processus et du flux de matériaux, offrant un avantage significatif à nos clients», avait déclaré Dr Volker Rehrmann, à la tête de Tomra Recycling, depuis parti à la retraite. Ainsi, PolyPerceptionpropose une solution d’analyse des déchets pour les recycleurs de PET et les centres de tri. En collectant des données à des étapes clés du processus de tri, l’entreprise aide les opérateurs des centres de tri à évaluer en permanence la qualité des flux triés et la perte de matériaux de qualité dans le flux résiduel, ce qui leur permet de prendre des décisions basées sur les données. «Grâce à l’IA, nous allons ainsi équiper en 2026 le futur centre de tri Normantri en collaboration avec l’ensemblier néos. Dénué de cabine de tri sélectif, le site pourra se passer de contrôle qualité sur les plastiques. Une première dans le secteur !», se félicite Frédéric Durand.
Chez Pellenc ST, modularité et évolutivité sont à l’honneur
Avec plus de 3 000 machines installées dans 40 pays, Pellenc ST emploie près de 300 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 85 millions d’euros. Une success story 100% made in France pour la PME familiale, devenue ETI : bureau d’études, conception, assemblage, tests et service après-vente sont concentrés à Pertuis dans le Vaucluse. Chaque année, l’entreprise alloue 10% de son CA à la R&D – 30% de ses effectifs y sont également dédiés, plaçant l’innovation au centre de sa stratégie. «L’ensemble de nos machines ainsi que leurs technologies embarquées sont conçues et fabriquées par nos équipes à Pertuis. Un modèle intégré qui garantit une gouvernance indépendante et l’évolutivité de nos machines. Nos clients étant à la recherche de solutions sur mesure et agiles, capables de s’adapter aux transformations du marché et de leurs flux. L’enjeu reste de faciliter l’optimisation des lignes de tri et garantir des gains en matière de qualité, de productivité et de disponibilité», explique Florence Champ, responsable presse chez Pellenc ST.
Reconnu pour la modularité de ses équipements, le constructeur propose ainsi le «Future Proof» sur l’ensemble de ses machines, à l’instar de la Mistral+ CONNECT™ou de la COMPACT+™. Cette garantie est rendue possible grâce à la plateforme logicielle CNS «Central Nervous Sytem», qui permet l’intégration de futures technologies et capteurs Pellenc ST telles que l’IIoT, le Watermarking et l’Intelligence Artificielle sous forme d’upgrades. «L’IA trouve par exemple son intérêt pour l’épuration des flux de PE, PET de ses contaminants ou pour aller plus loin dans la séparation complexe de papier/carton. Autre avantage : le CNS BRAIN™ ne nécessite pas de matériel supplémentaire et ne génère pas de consommation d’énergie ou de maintenance additionnelle», ajoute Laetitia Paveau, directrice marketing et communication de Pellenc ST. Pour les applications encore plus difficiles, Pellenc ST dote ses équipements d’une caméra supplémentaire et propose l’option AISORT™. Cette innovation va permettre d’adresser de nouveaux cas d’usage à l’instar de la séparation entre un flux alimentaire et non alimentaire. Les postes de contrôle qualité ne sont pas en reste et bénéficient de la puissance de l’IA. Installés en fin de ligne, ou sur la ligne des refus, les portiques AISEE™contrôlent le niveau de qualité du flux ainsi que l’efficacité globale du centre de tri. En fournissant des informations en temps réel sur la composition du flux, l’AISEE™ devient un véritable outil d’aide à la décision.
Autre volet stratégique de ces usines 4.0, le traitement de la donnée. Pellenc ST met à disposition son expertise dans le tri intelligent des déchets et propose de transformer les données en ressources grâce au Smart&Share™. L’outil a été conçu pour analyser en continu le fonctionnement des trieurs optiques et ainsi aider à optimiser leur exploitation. L’application SaaS donne accès à un ensemble de données opérationnelles critiques (état machine, composition du flux, débits…) pour garantir une continuité opérationnelle et une meilleure qualité de tri. Les clients bénéficient également d’alertes intelligentes personnalisées pour optimiser leur taux de disponibilité et la maintenance préventive des équipements. Pellenc ST garantit des données sécurisées, accessibles en temps réel et à distance. «La question de la data, de son traitement et de sa confidentialité reste sensible. Raison pour laquelle nous participons à plusieurs groupes européens de normalisation comme celui du VDMA en Allemagne, pour harmoniser les protocoles d’usage de ces données au niveau industriel, et tendre d’ici deux ans à une norme standardisée», conclut Laetitia Paveau.
NextWaste s’appuie sur la technologie Greyparrot
Créée il y a trois ans par Guillaume-Henri Hurel et Eric Voisin, NextWaste entend agir comme un «catalyseur d’éco-innovation» pour moderniser la filière du tri et du recyclage en France. L’objectif est double : améliorer les processus de tri & de recyclage et apporter à l’industrie française les meilleures technologies qui ont fait leurs preuves. «En tant qu’intégrateur, nous nous appuyons sur les solutions pointues de nos partenaires, comme le britannique Greyparrot AI pour monitorer et analyser en temps réel les flux des déchets, en entrée et/ou en sortie, des centres de tri afin qu’ils ne finissent pas en enfouissement ou en incinération», explique Guillaume-Henri Hurel, co-fondateur de NextWaste.
En faisant appel à l’intelligence artificielle, il devient alors possible d’adapter les recettes de tri de façon prédictive selon les gisements reçus. «A l’heure actuelle, les recettes sont pré-programmées par les ensembliers pour répondre aux exigences de performance mais elles ne prennent pas en compte la variabilité de ces gisements, qui peuvent être différents selon les collectivités ou les saisons. Mal adaptées, elles peuvent entrainer des répercussions opérationnelles non négligeables : ralentissement, bourrage ou même arrêt de lignes. En identifiant les dérives possibles, on limite la perte de matière et donc le taux de valorisables dans les refus, soit un gain économique non négligeable», ajoute le dirigeant de NextWaste. En faisant appel à de l’intelligence artificielle, il devient alors possible d’analyser 100% du flux visible (entrant et sortant) avec une remontée de la data en temps réel, bien au-delà des caractérisations manuelles des collectes sélectives (60 kilos 18 fois par an par collectivité). L’IA permet aussi d’améliorer la détection des déchets dangereux (cigarettes électroniques, jouets, petits appareils électroménagers, etc.), qui intégrant piles et batteries, présentent un fort risque d’incendie. «Nous avons dévoilé sur le dernier salon Pollutec une station de caractérisation automatisée basée sur la technologie Greyparrot», explique Guillaume-Henri Hurel. «Résultat : on améliore drastiquement la représentativité de la donnée pour l’exploitant mais aussi les instances réglementaires (Ademe, DREAL, etc.) et on améliore la visibilité des flux sortants et leur qualité grâce à des données terrain plus fines, des informations clés pour les éco-organismes comme Citeo et Léko. Quant aux opérateurs, ils voient leurs conditions de travail améliorées, troquant leur poste de caractérisation manuelle sur tapis à celui de supervision et pilotage de la station».
Fort de 40 milliards de déchets décryptés chaque année dans 20 pays par le réseau mondial de capteurs Greyparrot Analyzer, Greyparrot a franchi un nouveau cap en lançant cet été Deepnest, la première plateforme IA capable de fournir aux marques ces données terrain sur le devenir réel de leurs emballages et leur indice de recyclabilité. Elle évalue chaque emballage selon la marque, le matériau, le type de produit et la région géographique, révélant avec précision ce qui est trié, recyclé ou perdu, à partir de données mesurées. Les marques peuvent alors comparer la recyclabilité de leurs emballages à celle des concurrents, tester différentes versions avant un lancement global, identifier les éléments de conception qui freinent le recyclage selon les marchés ou encore quantifier l’impact des innovations R&D et des actions circulaires. Unilever, Asahi, McDonald’s et Amcor en sont les premiers utilisateurs. «Deepnest reconnecte le packaging à son impact réel et ouvre la voie à une économie circulaire pilotée par la performance et non par les déclarations. Pour la première fois, les producteurs FMCG et les industriels de l’emballage peuvent mesurer, en continu et de manière objective, la réalité de la fin de vie de leurs produits», conclut Guillaume-Henri Hurel.