A tâtons - Par Doria Maïz, rédactrice en chef
31 août 19 | Editorial | #1464 :: rss
Ce pouvait être le tube de cet été. Cacophonie. Vilipendé par la vague « Economie circulaire », le plastique a vu son image écornée. Si les autorités pointent du doigt son usage unique, difficile de revenir en arrière. Dans l’inconscient collectif, l’emballage plastique doit céder sa place. Cet été, Amazon en a fait les frais. Le géant du e-commerce, qui livre entre 4 et 5 milliards de colis chaque année dans le monde, a choisi de remplacer aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ses enveloppes cartonnées par des emballages plastiques, plus légers et non recyclables. Mal lui en a pris. Le groupe de Jeff Bezos essuie depuis les foudres des consomm’acteurs.
L’on pourrait ainsi croire que la route est toute tracée pour le carton dont les lancements dans les rayons eaux minérales, laits, jus et crèmes se multiplient ces derniers mois. Présenté comme une alternative intéressante au plastique, le carton n’échappe pas, à son tour, à l’exigence totale de transparence et de sécurité de la société civile. Une étude publiée en juillet par le BEUC (Bureau Européen des Consommateurs) sur 76 échantillons analysés d’emballages carton ou papier décorés (gobelets, pailles, etc.) met en avant la présence d’encres (amines aromatiques) et de filtres UV, potentiellement toxiques, en contact avec les aliments. L’organisme déplore l’absence d’évaluation quant au risque de migration de ces substances au sein de packagings food-contact par l’EFSA.
Plastique vs. Carton ? matières renouvelables vs. recyclées ? Consigne ? Dans cette période de tâtonnement, la voie qui se profile est loin d’être aussi manichéenne. Et sera très certainement plus mixte et globale. A l’image des engagements pris par certains distributeurs. Ainsi, outre-Manche, Tesco poursuit sa chasse aux emballages superflus et difficiles à recycler. Si la première phase de son programme visait à réduire de 4000 tonnes les emballages de sa marque propre, la prochaine étape concernera l’ensemble des marques distribuées. Et deviendra désormais un critère de choix dans les partenariats commerciaux. Le ton est donné !
Car derrière ces considérations environnementales et sécuritaires, les enjeux sont également économiques. Avec une notion de responsabilité renforcée et de bonus-malus sur l’éco-conception du produit, le projet de loi anti-gaspillage et économie circulaire en France ne sera pas sans conséquence pour les producteurs. Tout le challenge sera pour le gouvernement de poser les pierres d’un édifice juste et équilibré pour les différentes filières industrielles. Dans nos pages, Tetra Pak par la voix de son DG France, Chakib Kara, appelle ainsi à « la reconnaissance des matériaux renouvelables dans les systèmes d’éco-modulation, au même titre que l’incorporation de matériaux recyclés ».
Si la prise de conscience environnementale des consommateurs et l’éco-responsabilité des industriels sont réelles et sincères, gageons que cette cacophonie soit passagère et que les prochains mois permettront de rassembler les acteurs du packaging autour d’une orientation commune vers un emballage intelligent, traçable et à faible empreinte. Et pour y parvenir, la collaboration sera la clé de la réussite, comme l’appelait de ses vœux François Luscan, pdg d’Albéa lors de son dernier événement « Let’s act for circular beauty »*.
*e-bonus du 11 juin 2019.
Extrait de la revue n° 640 - Juillet/Août 2019. Reproduction interdite sauf accord écrit d'Emballage Digest ou mention du support