L’iconique fromage Babybel s’habille de papier
posted Friday 28 November 2025
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Exit la cellophane, le petit fromage rond et rouge du groupe Bel passe à un emballage papier.
Cinq ans de recherche auront été nécessaires pour parvenir à une version industrialisable. A cette occasion, le groupe français a ouvert les portes de son usine d’Evron en Mayenne, lieu de naissance du Babybel.
Du haut de ses 50 ans, la marque Babybel– présente dans 50 pays dans le monde – traverse le temps, forte de la confiance de ses consommateurs et de ses partenaires industriels. Pas moins de deux milliards de portions sont ouverts chaque année. Une success story qui ne se dément pas : en 2024, la marque a ainsi enregistré une croissance de 6% de ses volumes – tiré par le marché américain (+12%) – et projette une progression entre 5 et 10% en 2025. «Chez Bel, nous pensons que pour bien manger, il faut bien produire. Et pour y arriver, le pivot stratégique de notre produit repose sur son emballage iconique. En choisissant de remplacer la cellophane qui entoure chaque portion par du papier, nous franchissons une étape structurante pour atteindre 100% des emballages prêts au recyclage et/ou compostables à domicile d’ici 2030», annonce Béatrice de Noray, directrice adjointe en charge de la croissance du groupe Bel.
Une transition technique
En passant d’une cellophane biosourcée et compostable à domicile utilisée depuis 2020 à un papier recyclable, le fabricant français économise 850 tonnes de cellophane, soit l’équivalent de 2550 tonnes de CO2 (-62% en empreinte carbone). Cinq ans de recherche et de développement auront été nécessaires pour identifier le bon papier, à la fois protecteur et résistant tout en affichant une DLC inchangée. Un projet colossal dont le coût d’investissement est estimé à plusieurs millions d’euros. «Un fromage à pâte pressée impose des contraintes très spécifiques : il doit être protégé de l’humidité et de l’oxygène, conserver sa texture, rester stable en conditions de transport et garantir une sécurité microbiologique irréprochable. Le challenge s’est donc avéré technique : le papier ne devait pas se déchirer tout en étant facilement scellable (des points de vernis de scellage ont été ajoutés sur le rouleau du papier), sans faire de compromis sur la cadence de nos lignes et sans perte de qualité du produit. Le projet a bénéficié d’une démarche «test & learn», incluant formulation des matériaux, essais pilotes en usine et validation en conditions réelles pour garantir son succès», détaille Delphine Chatelin, directrice de la recherche, de l’innovation et du développement (RID) du groupe Bel. De nombreux tests consommateurs ont également été menés pour s’assurer de l’acceptabilité de ce nouveau matériau : «il en est ressorti que le papier améliorait la facilité d’ouverture tout en apportant une sensorialité nouvelle au niveau du toucher que du son généré lors de l’ouverture de l’emballage. Le papier étant également plus facile à décorer, de futures collaborations avec des artistes sont prévues pour égayer et animer les emballages des mini Babybel. Prochaine étape : rechercher des alternatives à la cire, au filet de regroupement ou encore améliorer la captation de nos nouveau emballages papier au sein d’un groupe de travail coordonné par Citeo», confie la responsable RID.
Un process de production parfaitement orchestré
Naturellement riche en protéines et en calcium, sans additifs ni conservateurs, le Babybel séduit aussi par sa recette simple, concoctée à partir de quatre ingrédients : 98% de lait, ferments lactiques, présure végétale et sel. Récolté au sein des fermes aux alentours auprès d’éleveurs partenaires regroupés au sein de l’ABPO (Association des Producteurs de lait Bel de l’Ouest), le lait réceptionné est pasteurisé, puis écrémé pour être standardisé en matières grasses et protéines. Après des étapes de coagulation du lait et d’égouttage, le lait caillé est tranché puis moulé pour donner la forme iconique du Babybel. Trois lignes de fabrication des fromages tournent à plein régime, 24h sur 24 pour produire cinq millions de Babybel par jour sur l’usine d’Evron. Des casquettes sont posées sur les moules pour presser les fromages. Après un passage sous étuve et une pause de plusieurs heures pour équilibrer les paramètres d’acidification du fromage, les Babybel passent dans un bain du saumurepuis sont séchés dans une salle à hygrométrie réglée pendant 15 à 16 heures. «Arrive alors l’étape la plus secrète et technique du process de fabrication, le paraffinage», explique Hervé Nedelec, responsable QHSE de l’usine d’Evron. Les fromages ronds sont placés sur des rubans de tircel, pour être trempés dans deux bains de cire : le premier transparent rendant le fromage hermétique à l’air et aux moisissures, le second rouge le protégeant des chocs. Un dernier bain réfrigéré permet de cristalliser la cire. Avant leur conditionnement, un contrôle qualité est mené pour s’assurer de la bonne forme du Babybel, de leur conformité et de l’absence de corps étrangers. Ils sont ensuite gardés au sein d’un transstockeur réfrigéré, d’une capacité de stockage de huit millions de mini Babybel avant d’être emballés.
Des nouveaux îlots de conditionnement
Les mini Babybel sont ensuite transportés à raison de 1000 fromages/bac via des convoyeurs aériens jusqu’à l’unité de conditionnement, équipée de huit îlots. «Le passage de la cellophane au papier a demandé un gros travail de tests et d’industrialisation. Aujourd’hui, deux lignes sur les huit sont passées sur ce nouveau matériau, sans perte de cadence», se félicite Hervé Nedelec. Soit à une vitesse vertigineuse de 14 fromages à la seconde. A la sortie des cellophaneuses, un module de détection aux rayons X du constructeur XNext s’assure de l’absence de toute trace plastique, qui pourrait provenir des moules ou des casquettes. En bout de ligne, mise sous filet (de 3 à 36 unités), pose d’étiquette puis encaissage sous plateauxsont réalisés avant de partir en unité de palettisation. En parallèle, tourne une ligne de conditionnement pour le format nomade pocket 2Go – vendu en circuit hors foyer – à une vitesse de 12 000 mini Babybel par heure. Ici aussi, le groupe Bel a troqué le flowpack plastique pour une version 100% papier. Pour garantir cette transition, deux fournisseurs de papiers ont été minutieusement sélectionnés, l’un en Europe, l’autre aux Etats-Unis. Déjà lancée au Royaume-Uni, la commercialisation de la version papier sera étendue aux marchés nord-européen, américain et canadien en 2026 pour un déploiement mondial d’ici fin 2027.
Des investissements continus
Pour soutenir cette transformation, le groupe Bel devra adapter les autres parcs machines de son réseau de cinq usines en France, aux Etats-Unis, au Canada et en Slovaquie. Et plus particulièrement celle de Sablé-sur-Sarthe pour laquelle une enveloppe de 60 millions d’euros est prévue pour gagner en capacité de production (+10 000 tonnes). Un autre chantier d’agrandissement est programmé en 2029 sur l’usine de Brookings pour accompagner la croissance du marché américain, particulièrement friand en Babybel. De son côté, à Evron, l’usine est passée d’un volume de production de 27 000 T de Babybel en 2022 à 29 700 T en 2025, devenant le plus grand site de production du groupe Bel. «En 2026, nous prévoyons une production de 30 000 T. L’usine est occupée à 100%. Pour répondre à cette croissance, nous avons dû embaucher une centaine de personnes entre 2024 et 2025 pour atteindre des effectifs de 700 salariés dont 200 intérimaires», détaille Léonard Didiot, directeur de l’usine d’Evron. Un tiers de la production d’Evron est destiné au marché français, un autre tiers au marché américain et le dernier tiers restant au marché européen hors France. Une diversité de marchés qui oblige Bel à constamment diversifier ses recettes – plus d’une dizaine à son actif hors emmental et cheddar – pour contenter les goûts de tous les consommateurs.
D’autres pistes activées
Les équipes R&D ont encore sur leur table d’autres projets ambitieux. Dans les tuyaux, une version papier de la portion de Kiri cette fois-ci. «La solution est en cours de développement au sein du laboratoire R&D de Vendôme du groupe. Contrairement au Babybel, le fromage est dans ce cas directement au contact de l’emballage papier. Nous sommes en train de mettre au point un coating spécifique avec des starts up et des universités pour le rendre imperméable à l’eau, au gras et à l’air pour avoir un emballage 100% papier», confie Delphine Chatelin.
Enfin, Bel travaille également sur la question du vrac en participant à la coalition DéfiVrac en partenariat avec Lesieur, Danone et Famille Michaud Apiculteurs. Deux références – La Vache qui rit et Materne – sont proposées en vrac depuis 2025 dans certains Intermarché, Carrefour et Monoprix dans le Jura et en Normandie. Avec ces partenaires, le groupe explore ainsi des solutions concrètes pour développer la première machine de vrac pour produits semi-liquides : fromage à tartiner, miel, compote, huile… Le dispositif repose sur des contenants en verre consignés, garantissant sécurité, hygiène et praticité. Le projet, cofinancé par Citeo, a reçu en 2025 le prix «Le Vrac d’Or» des Ateliers du Vrac. Les premiers résultats de cette expérimentation sont attendus début 2026.