Papiers : à la fois durables et créatifs
posted Friday 31 October 2025
Abonnez-vous à la revue pour lire la suite de l'article
s'abonner
Sur le segment de l’emballage pour produits cosmétiques et parfums, les fabricants de papiers et
de cartons se positionnent avec des solutions à la fois durables et très créatives, utilisant des fibres alternatives et des déchets pour fabriquer des papiers différenciants. Les technologies en constante évolution permettent désormais d’obtenir des papiers recyclés de grande qualité.
Le fournisseur italien de papiers Fedrigoni a mené une étude avec le cabinet de conseil Bain&Company auprès de plus de 500 dirigeants de la chaîne de valeur de l’emballage de luxe en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique pour comprendre comment accompagner ses clients sur les enjeux autour du packaging du luxe. Selon les conclusions du rapport, d’ici trois ans, plus de 30% de l’ensemble des ventes d’emballages de luxe recourront à des solutions durables. Une conclusion qui en dit long sur les besoins des marques, qui concernent notamment le carton et le papier. «Le papier recyclé blanc est plébiscité. Le papier circulaire est aussi de plus en plus demandé. Nous récupérons par exemple des déchets issus de la production des marques pour concevoir un papier en propre, sur-mesure. La marque devient un partenaire pour cocréer un papier !», remarque Céline Bertuzzi, directrice marketing de Fedrigoni. «Notre but est de maintenir les exigences de performances de nos papiers tout en transmettant, par leur packaging, les valeurs des marques de nos clients», renchérit Séverine Calmus, directrice de l’entité Luxe de Fedrigoni.
Le papier s’avère être un matériau particulièrement adapté à l’upcycling : les fabricants misent actuellement beaucoup sur le développement de gammes à base de fibres alternatives comme du chanvre, ou de divers déchets. Fedrigoni a conçu des papiers à base de linters de coton – de courtes fibres qui restent attachées à la graine de coton après l’égrenage. Trop fines pour le textile, elles sont adaptées à la fabrication du papier. D’autres gammes mettent en avant les déchets valorisés. «Nous lançons la gamme Bagassa, qui intègre des déchets de cannes à sucre, et la gamme Terrae, contenant des pigments minéraux d’origine naturelle récupérés sur des terres françaises ou allemandes», précise Céline Bertuzzi.
Terrae est disponible en trois couleurs: «Desert Sand», une teinte ocre issue de l’extraction de l’argile en Bourgogne ; «Light Umber» provenant d’un sol fertile extrait de manière saisonnière afin de permettre à la terre de se régénérer ; et «Iron Grey» dont la profondeur provient d’un pigment noir récupéré comme sous-produit du traitement du charbon en Allemagne. Chez Mondi, le papier IQ Grass+Packaging est fabriqué avec jusqu’à 30% de fibres d’herbe, ce qui lui confère un aspect et un toucher naturellement différenciants.
Les déchets valorisés pour inventer de nouveaux papiers
Les fibres résiduelles issues de la production textile sont particulièrement appréciées des fabricants de papier. Gmund s’est par exemple associé au fabricant de tissus italien Manteco pour récupérer les fibres résiduelles de fils de coton, caractérisés par des fibres longues. Le papier Gmund Manteco en contient 50%, auxquels sont ajoutés des linters de coton blancs. Résultat : un papier 100% coton, doux, dont les teintes rappellent les tissus Manteco. En 2024, Gmund lançait la gamme Mother Earth, principalement composée de fibres issues d’herbe et de déchets de céréales, simplement déchiquetés sans traitement chimique. Autre nouveauté en 2024 : Gmund Moonlight, fabriqué selon une technique spécifique qui permet de gaufrer le papier des deux côtés alors qu’il est encore humide, pour lui donner une surface brillante. La version Glance offre des effets métalliques or ou argent. Chez James Cropper, la collection de papiers recyclés Rydal inclut des variantes comme Rydal Apparel, conçu à partir de vieux jeans recyclés (20% de fibres textiles). Le groupe a; par ailleurs, mis au point la technologie CupCycling, un procédé permettant de recycler à grande échelle les gobelets à café jetables, habituellement difficiles à traiter en raison de leur doublure plastique. Avec ce procédé, la couche plastique est séparée du papier : elle est ensuite transformée en granulés pour être réutilisée dans la fabrication de produits plastiques, tandis que la fibre papier récupérée est recyclée en nouveaux papiers d’emballage. Le groupe dispose de son propre centre de recyclage, s’assurant ainsi une sélection rigoureuse des fibres issues de déchets post-consommation, et une maîtrise complète du cycle. La société Winter & Company a, elle aussi, créé son procédé de recyclage, Winter Wrup-Cycling, pour favoriser l’économie circulaire en utilisant à la fois des déchets post-consommation et post-industriels – des papiers recyclés mais aussi des fibres de coton recyclées, des bouteilles PET recyclées, ou des fibres de cuir issues de résidus de tannerie (papier Wintan®). De ce procédé découlent quelques nouveautés comme le Suedel® Luxe Recycled– un papier aspect daim, à base de coton et de fibres cellulosiques recyclés. Winter & Company vient par ailleurs de dévoiler sa nouvelle référence Satin Ocean, un papier à l’aspect satiné, composé de 51% de rPET océanique recyclé et de 35% de coton.
Tendance à l’ultra blanc recyclé… et aux couleurs vives !
Les marques continuent d’apprécier les papiers très blancs – ce qui n’était pas forcément compatible avec la notion de recyclé. En utilisant différentes méthodes pour obtenir de la blancheur (fibres recyclées désencrées, azurants optiques, charges minérales, blanchiment sans composés chlorés…), plusieurs fabricants lancent cette année des papiers recyclés ultra-blancs. C’est le cas de l’entreprise James Cropper, qui complète sa gamme de papiers recyclés Rydal (destinée aux emballages de luxe) avec le papier Rydal Eco. Fabriqué entièrement à partir de fibres recyclées, il offre un niveau de blancheur équivalent à celui des papiers en fibre vierge, tout en étant adapté à de nombreuses techniques d’impression et de finition. Bien que non couché, ce papier offre une surface d’impression performante, selon la société. Autre nouveauté chez Winter & Company : le papier Envira, ultra-blanc, conçu à 100% à partir de fibres recyclées post-consommation (issues de vieux papiers). Quant au groupe Mondi, il lance le papier Nautilus® SuperWhite, entièrement recyclé et d’un blanc éclatant. Tendance opposée, certaines marques optent plutôt pour des teintes très vives. L’entreprise James Cropper propose depuis peu la gamme de papiers vierges hauts en couleur, Coloursource. Le groupe, qui dispose de formulations couleurs propriétaires, a opté pour des couleurs très vives : 50 teintes sont disponibles en trois grammages. Un partenariat a été signé avec l’entreprise Winter & Company, qui s’occupera de la distribution exclusive de cette gamme. Cette société elle-même a enrichi sa gamme de papiers Wibalin® de nouvelles teintes vives. Et chez Gmund, la collection Gmund Used, fabriqué en papier 100% recyclé, s’enrichit régulièrement de nouvelles couleurs vibrantes.
Cartons : place aux non-couchés
Le carton recyclé est en revanche peu utilisé, sauf pour les bases de coffrets. «Le secteur de la beauté est exigeant concernant la technicité des papiers et cartons. En termes de propriétés mécaniques, d’esthétique, de résistance, la qualité du recyclé est moindre qu’un carton vierge, car les fibres recyclées sont de qualité variable», résume François Breney, responsable support technique de Holmen Board and Paper. Le groupe ne propose d’ailleurs pas de carton recyclé : en post-consommation, peu de ressources sont disponibles à proximité de ses usines, situées dans les pays nordiques. Il utilise en revanche des fibres recyclées pré-consommation, qui n’ont pas encore été transformées. «Nous réinjectons dans la composition de nos produits des fibres recyclées issues de nos déchets de production interne. Elles reviennent dans le circuit dans une proportion précise», indique François Breney. Il constate actuellement une tendance aux cartons non-couchés, ayant un aspect fibreux, mat – plus simple, plus brut. Holmen a élargi sa gamme en 2023 avec son premier carton non-couché, Invercote Touch.
Des investissements pour des finitions pointues
« Aujourd’hui, les attentes des marques portent sur la régularité des produits, qui dépend de la nature de la fibre, de la technologie utilisée pour la fabrication du support. Elles attendent une régularité des surfaces, du rendu, d’une production à l’autre. Pour cela, nous réalisons de gros investissements sur nos machines en reconstruisant certains modules servant à former ou à presser la feuille. Nous travaillons également sur le type de presse utilisée, la composition des couchages, l’automatisation des contrôles pour améliorer leur reproductibilité», explique François Breney. L’un des objectifs de Holmen Board and Paper est d’améliorer la rigidité des produits sans augmenter le grammage. «Cela passe par des compositions fibreuses différentes, par de nouvelles générations de presses. Les clients veulent des emballages à la fois très performants et les plus légers possible», détaille-t-il. Les investissements des fabricants portent par ailleurs sur les possibilités de décoration des papiers. Winter & Company collabore avec Scodix, fabricant de presses numériques, pour obtenir des décorations digitales avancées (multicouches, à effets tactiles) directement sur les matériaux haut de gamme de Winter & Company, comme le cuir et la soie. La société James cropper a, elle, inauguré en 2023 un centre dédié à l’embossage du papier sur son site historique de Burneside, au Royaume-Uni, afin de mettre au point des textures et effets en relief innovants pour les papiers destinés au packaging de luxe. Le centre est équipé d’un embosseur de pointe intégrant une technologie de contrôle optique “smart eye” (inspirée du secteur de la Formule 1) – qui garantit une extrême précision dans la création de motifs texturés.
Le centre s’est récemment doté d’un nouvel embosseur-vernisseur. Le centre de R&D de Fedrigoni, à Vérone en Italie, est le cœur de l’innovation du groupe en papiers de spécialité. De nouvelles solutions y sont conçues, testées et industrialisées grâce à des laboratoires d’analyses, des lignes pilotes et des espaces de prototypage rapide. Dans ce cadre, Fedrigoni accompagne par exemple ses clients dans la transition du plastique au papier, avec des solutions répondant aux mêmes niveaux d’exigence.
Fedrigoni investit par ailleurs à l’international pour accompagner ses clients de façon globale. En 2024, le groupe a finalisé l’acquisition de certains actifs de Mohawk, un fabricant de papiers
fins et spéciaux aux Etats-Unis, notamment utilisés pour les emballages de luxe et l’impression numérique. Toujours en 2024, Fedrigoni a repris une usine de papier translucide en Chine.