
Financement de la REP emballages ménagers : Citeo tire la sonnette d’alarme
publié le samedi 31 mai 2025
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30 ans après sa création, la REP (Responsabilité élargie du producteur) emballages ménagers traverse une phase charnière. Le système, fondé sur un principe simple — faire payer les metteurs sur le marché pour le traitement de leurs emballages — est aujourd’hui confronté à une dynamique financière qui interroge son efficacité et surtout sa cohérence. Citeo appelle à un nécessaire rééquilibrage pour assurer les objectifs d’économie circulaire attendus. Explications.
Lors d’un dernier point presse, l’éco-organisme Citeoa partagé son inquiétude face à l’impasse financière dans laquelle se trouve la REP emballages ménagers. Le montant des écocontributions des metteurs sur le marché ne cesse d’augmenter ces dernières années (1,6 milliard en 2025 vs. 1,3 milliard en 2024), à raison d’une hausse moyenne de 20%, sans que la performance du système n’augmente pour autant en proportion. L’application de la loi AGEC en 2023 a figé cette pente ascendante, avec une logique désormais fondée sur des objectifs de résultats imposés, plutôt qu’atteints. Conséquence : un doublement des charges ces cinq dernières années, sans hausse de performance équivalente.
Une pente financière déconnectée de la réalité du terrain
Le système initial — basé sur une contribution proportionnelle aux tonnes effectivement recyclées — glisse en effet vers une forfaitisation déconnectée des résultats réels. Ainsi, les entreprises paient pour 60% de plastiques recyclés, alors que seuls 40% le sont effectivement, entraînant un surcoût de 200 000 euros pour des performances non atteintes. Même constat pour l’aluminium. En parallèle, le coût de traitement des déchets est passé de 160 à 330 euros par tonne, dopé par l’inflation et dans une moindre mesure par une hausse des charges annexes (hors foyer, déchets abandonnés, communication, etc.). Cette logique inflationniste pourrait porter le total des contributions à 2 milliards d’euros dès 2026, sans retour direct sur l’efficacité du système. «Ce n’est plus une REP fondée sur la performance, mais une enveloppe de financement figée. Ce système désincite à l’innovation et fausse la dynamique de progrès. C’est un sujet qui nous concerne tous : que ce soit, les industriels qui paient des écocontributions toujours plus élevées que les consommateurs qui voient le prix de leurs produits de grande consommation augmenter sans amélioration des taux de recyclage», dénonce Jean Hornain, directeur général de Citeo et Adelphe.
Une prise de conscience nécessaire
En effet, les gains en recyclage sont aujourd’hui limités de 1 à 2% par an et par matériau, loin des ambitions fixées. Pour que la REP retrouve son sens, les critères de performance doivent être refondus, dans une logique partagée entre l’État, les entreprises, les collectivités et les citoyens. Face à l’effet ciseau — baisse du gisement d’emballages mis sur le marché et explosion des coûts —, Citeo appelle à un réexamen global du système et une harmonisation des REP dans le cadre du règlement européen PPWR. Une réponse politique forte est nécessaire : un «gel immédiat de la pente ascendante» doit être décidé pour éviter un emballement hors de contrôle. «Après 30 ans d’existence, il est légitime de réinterroger notre système de façon calme, résolue et posée entre tous les acteurs. Mais il faut agir vite. Idéalement avant le 30 septembre prochain, date à laquelle est prévue la publication du barème ajusté des tarifs d’écocontributions», appelle Jean Hornain. En l’état, la situation n’est ni soutenable, ni compréhensible, scande l’éco-organisme. D’autant que le surplus généré par cette hausse tarifaire n’est pas mobilisable en l’état par les collectivités en l’espace d’un an. «Pour comparaison, 190 000 euros ont été déployés entre 2018 et 2023 pour la simplification de la consigne de tri. Même si nous avons accéléré notre soutien aux projets – en 2024, plus de 400 projets ont été lauréats, soit trois fois plus qu’une année moyenne entre 2018 et 2023 sur des sujets comme la collecte hors foyer – ces 200 000 euros collectés vont rester bloqués», précise Anne-Sophie Louvel, directrice opération et territoires chez Citeo.
Plusieurs leviers d’action déjà identifiés
Pour débloquer la situation et passer d’une logique de moyens à une logique de résultats et améliorer les taux de recyclage, Citeo appelle à revoir le cahier des charges de la REP en travaillant sur plusieurs axes.
Tout d’abord, la généralisation de la tarification incitative permettrait de réduire la quantité d’ordures ménagères et d’augmenter la collecte sélective en incitant les français à mieux trier. «Les collectivités locales restent frileuses à son déploiement. Seuls 7 millions de Français sont concernés par le système – qui porte pourtant ses fruits – alors que l’objectif réglementaire fixe le seuil à 25 millions d’habitants en 2025. Pour rappel, 20% de la poubelle tout venant contient des déchets recyclables, ce qui représente un volume de 50 kilos par habitant et non valorisé», explique Anne-Sophie Louvel.
Par ailleurs, Citeo appelle à la mise en place de contrats à la performance entre l’éco-organisme et la collectivité, inspirés du modèle belge. Plus incitatifs et adaptés localement, ces contrats permettraient un accompagnement technique plus fin après caractérisation des déchets collectés pour chaque collectivité. Ils permettraient ainsi d’encourager financièrement l’activité de leviers de collecte et de tri adaptés, sur la base d’un diagnostic territorial tout en récompensant l’atteinte de performances cibles.
«Sujet à crispation en France», la consigne pour recyclage reste pour Citeo un levier incontournable pour atteindre les 80% de recyclage en 2026 fixé par le PPWR, contre 55% actuellement. Le système encourage le retour des emballages et permettrait de mieux collecter et recycler les bouteilles en plastique et les canettes, et participerait par la même occasion au déploiement du réemploi des emballages boissons.
Le réemploi en complément
Lancée en mai 2023, la démarche ReUse franchit un nouveau cap. Citeo inaugurera le 12 juin l’activation de l’expérimentation dans quatre régions françaises (Nord Pas-de-Calais, Bretagne, Normandie, Pays de la Loire). «Le nouveau dispositif de consigne pour réemploi concernera 16 millions d’habitants et 750 magasins. 500 machines seront installées d’ici la fin de l’été sur les points de vente partenaires pour commencer et 55 millions d’emballages standardisés et réemployables baptisés R-cœur mis sur le marché (System U, Carrefour, Intermarché, Leclerc)», explique Valentin Fournel, directeur innovation, éco-conception et réemploi chez Citeo. En parallèle, l’entreprise a pour mission de financer 240 projets sur le réemploi en 2024. Pour rappel, 10% des emballages ménagers devront être réemployés en 2027 dans le cadre de la loi AGEC.
Sur ce sujet, la nouvelle entité Citeo Pro n’est pas en reste. Également concernés, les emballages industriels et commerciaux doivent se structurer autour d’un système de réemploi performant. Pour accélérer cette transition dans le secteur de la restauration, Citeo Pro annonce l’ouverture de son appel à projets EncoRE plus de réemploi 2025. Ce dispositif ouvert depuis le 14 mars et jusqu’au 31 décembre 2025, vise à financer des initiatives innovantes et opérationnelles en France. Avec une enveloppe de 246 000 euros, l’appel à projets s’adresse à la fois aux clients de Citeo Pro (restaurateurs, traiteurs, entreprises de restauration collective) et aux apporteurs de solutions (fabricants d’emballages réemployables, acteurs de la logistique, entreprises spécialisées dans la collecte et le lavage).