
Produits thermosensibles : des solutions isothermes et logisitques durables
publié le mardi 30 septembre 2025
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Les médicaments issus des biotechnologies, les vaccins ou encore certaines thérapies innovantes exigent un maintien strict de la chaîne du froid. Face à l’essor de ces produits thermosensibles, le marché des emballages isothermes connaît une transformation en profondeur. Désormais, la performance thermique doit s’accompagner de traçabilité, de connectivité, de solutions d’emballage plus légères, intégrant des matériaux recyclés ou biosourcés, et réutilisables. Autant de critères devenus aussi essentiels que la sécurité elle-même. Les principaux acteurs du secteur – Sofrigam, Knauf Industries, Emball’Iso, Storopack et TILT-Import – témoignent d’un marché en pleine mutation, tiré par les exigences environnementales et réglementaires.
« Le marché de l’emballage isotherme est en pleine croissance, atteignant 5,7 milliards de dollars en 2023 et près de 9 milliards attendus d’ici 2032», observe Florence Lehec, responsable marketing chez Emball’Iso. L’essor des biotechs, la hausse des expéditions internationales et le durcissement réglementaire élèvent les standards de la chaîne du froid. «Les vaccins, biothérapies et médicaments innovants doivent être maintenus dans des plages de températures très précises, parfois extrêmes, de -80 °C à +37 °C. La moindre excursion peut compromettre leur efficacité, voire la sécurité du patient», poursuit-elle. Les emballages doivent donc garantir une stabilité et fiabilité irréprochables, que ce soit en transport aérien, maritime ou routier. Et, au-delà de la performance, «la réduction de l’empreinte carbone devient également un enjeu stratégique», portée par les politiques RSE du secteur.
Sofrigam : l’intégration logistique et la personnalisation des solutions
Pour Sofrigam, le marché évolue sous des contraintes permanentes – environnementales, réglementaires et économiques – qui imposent une complexité croissante. Cette situation favorise une intégration renforcée entre laboratoires, logisticiens et fabricants, ainsi qu’une spécialisation accrue liée aux exigences spécifiques des médicaments biotechs (chaînes de froid +2°C, +8°C, +5°C, +15°C, +25°C, voire températures négatives). «Les logisticiens investissent dans des entrepôts frigorifiques, des cold corridors et des tours de contrôle connectées pour assurer une traçabilité complète et une meilleure maîtrise des contraintes thermiques», souligne Gilles Labranque, président de Sofrigam. Cette évolution implique des emballages isothermes plus légers, moins coûteux et offrant davantage de volume utile. Sofrigam a ainsi développé l’emballage «3 faces réfrigérantes» en polyuréthane(U inversé), utilisé avec le service Ready to Load (RTL), afin d’être prêt à être expédié en just-in-time, ce qui réduit surface d’entreposage et stocks. Résultat : 99% de réussite sur un an et des milliers d’expéditions, avec une disparition des excursions de température.
Avec l’essor de la médecine personnalisée et des soins à domicile, la demande s’oriente également vers de petits formats réutilisables (polyuréthane ou VIP), des poches ou sacoches réfrigérantes adaptées à la livraison à domicile, ainsi que vers des solutions de transport urbain décarbonées. Cela fait déjà trois ans que Sofrigam déploie avec La Poste des vélos cargos basés sur la technologie Coldway (rachetée en 2018).
Prochain lancement : un véhicule 12 m³ Coldway dévoilé à Solutrans (18-22 nov. 2025), avec 8 heures d’autonomie, et adapté aux fortes chaleurs (jusqu’à 45°C et 15 ouvertures de porte) pour une logistique urbaine décarbonée.
Knauf Industries : des matières plus légères et réutilisables
Chez Knauf Industries, la priorité est de réduire l’usage unique et d’accélérer l’intégration de matières recyclées ou biosourcées. «Aujourd’hui, nous ne parlons plus de déchets mais de matières secondaires», rappelle Jérôme Pecquet, directeur Customer Success.
Si le polystyrène expansé (PSE) reste une référence pour sa performance thermique (λ = 0,031), Knauf intègre désormais 33% de recyclé pour s’aligner avec les exigences de la PPWR à 2030. En parallèle, et avec le développement de la gamme Neopolen® en polypropylène expansé (PPE), contenant déjà 30% de recyclé, Knauf Industries a l’ambition de transposer les usages des bacs navette utilisés en reverse logistic dans l’automobile à la santé. Objectif : promouvoir la légèreté, l’inertie thermique du PPE et la réutilisation. «Demain, il faudra transporter le juste nécessaire, éviter le vide et miser sur des caisses intelligentes et géolocalisables», résume Jérôme Pecquet. À titre d’exemple, le bac réutilisable Komebac® en plastique, proposé par Knauf Industries, équivaut à l’économie de 1000 cartons, avec un impact direct sur les déchets et les coûts logistiques.
Emball’Iso : légèreté et reverse logistics maritime
Chez Emball’Iso, la durabilité repose sur des emballages réutilisables, légers et pliables, optimisant leur retour maritime. Une étude menée par Yann Bouchery (Kedge Business School) mesure les émissions liées aux emballages en intégrant le taux réel de retour, la pliabilité (transport à vide) et le repositionnement dans le réseau sur des expéditions entre les Etats-Unis et la Chine. «L’étude démontre que le poids de l’emballage est l’un des principaux déterminants de l’empreinte carbone d’une expédition», souligne Florence Lehec. Ses modèles Quarter PMC et Half PMC affichent les meilleurs scores de facteur de poids standardisé (rapport poids/ volume utile) et, combinés au repositionnement par bateau, permettent jusqu’à 64% de CO2 en moins par rapport aux solutions jetables ou plus lourdes.
Cas concret à l’appui : un client international a adopté les Pallet Shippers réutilisables d’Emball’Iso. «Ces emballages sont 70% plus légers qu’une solution active équivalente… Après usage, ils sont repliés, collectés, reconditionnés dans un centre de service puis renvoyés par bateau», décrit-elle. Bilan 2022–2024 : plus de 2 500 tonnes de déchets évités et 93% de CO2 économisé à chaque réutilisation. «Pour le client, c’est beaucoup plus simple : nous gérons la fin de vie, le refurbishment et les flux retours».
En outre, et côté R&D, Emball’Iso investit dans des matériaux isolants plus performants et plus légers, la modularité et la pliabilité pour limiter l’aérien en flux inverses, ainsi que des outils de simulation intégrant l’IA. «Ces outils permettent de concevoir des solutions sur mesure, conformes aux normes internationales, tout en optimisant l’empreinte environnementale», indique Florence Lehec. Elle anticipe, d’ici cinq ans, la généralisation des emballages connectés, capables de transmettre en temps réel les données de température et de localisation, et des solutions d’emballage allégées et pliables.
Storopack : du biosourcé compostable aux caisses XXL
Chez Storopack, si la sécurité et l’hygiène du produit transporté restent prioritaires, la demande évolue vers des solutions recyclables et réutilisables. «Le changement climatique, avec la montée des températures, accroît le besoin de maîtrise thermique jusqu’au dernier kilomètre de livraison», explique Nancy Chevalier, directrice commerciale Molding France.
Pour répondre à ces enjeux, l’entreprise propose les caisses Clinic® (CL-systems), réutilisables et équipées d’un bac intérieur lavable, de fermetures sécurisées et d’une poignée de transport. «Elles ont été largement utilisées pendant la pandémie de Covid», note-t-elle. La dernière nouveauté est Renature Thermo®, caisse isotherme en mousse d’amidon biosourcée, compostable à domicile, capable de maintenir du +2°C +8°C pendant 48 heures avec gel packs.
Et pour le transport de gros volumes de produits pharmaceutiques, Storopack propose la XXL Shipper, adaptée à une palette Euro entière, stockable en entrepôt frigorifique standard pour plus d’efficacité dans la préparation des expéditions, offrant jusqu’à 120 h de conservation en +2°C +8 °C et un montage en dix minutes. La XXL Shipper est déjà adoptée par Bayer.
Enfin, Storopack innove aussi sur les matériaux recyclés avec des caisses en r-EPP (35% de PPE recyclé) réutilisables et en r-EPS (95% de polystyrène recyclé) à usage unique, anticipant ainsi les futures exigences du règlement européen PPWR prévues à l’horizon 2030-2040.
Les 4R (Reduce, Reuse, Recycle, Renew) constituent le socle de sa stratégie circulaire. «Les 4R guident chacun de nos développements produits», confie Nancy Chevalier. En 2024, près de la moitié (49%) des emballages fabriqués provenaient déjà de matériaux renouvelables ou recyclés. L’entreprise vise désormais à franchir la barre symbolique des 50% d’ici la fin de l’année.