Rencontres du cartonnage : la filière dresse son bilan économique et réglementaire
publié le vendredi 31 octobre 2025
La fédération CAP (Cartonnage et Articles de Papeterie), présidée par Jean-Marc Lebhar, a tenu la 11e édition de ses Rencontres du cartonnage, à Paris, le 24 septembre dernier. Objectif : rassembler ses adhérents et professionnels du cartonnage autour de conférences portant sur des sujets économiques, réglementaires et technologiques.
Karen Politis Boublil, déléguée générale en charge des affaires publiques et du développement de CAP, appelée à succéder à Philippe de Boisgrollier, s’est présentée à l’occasion de cette journée d’échanges. Les participants – une centaine – ont ensuite écouté les premiers exposés consacrés aux bilans économiques, avec un focus particulier sur l’année 2025 et des prévisions pour 2026.
Nadia Mallouki et Jérôme Bon (Banque de France), et Jérémy Robiolle (institut Xerfi), se sont coordonnés pour cette première partie, s’appuyant respectivement sur la compilation de données réelles basées sur l’intégralité des liasses fiscales des entreprises du cartonnage et les déclarations volontaires d’une centaine d’entreprises adhérentes pour réaliser leurs analyses.
Selon Xerfi, la tendance sur les 12 derniers mois est en train de s’améliorer, avec une croissance de 0,5% en termes de production (-0,5% en termes de chiffres d’affaires ; d’après le baromètre Xerfi des entreprises du cartonnage). Avec un segment du pliant en progression contrairement aux autres segments. En revanche, les prix baissent, avec des «prix implicites durablement négatifs depuis mi-2024».
Au niveau de l’économie mondiale, au regard de l’indice de risque géopolitique, l’incertitude que les chefs d’entreprises et les ménages connaissent aujourd’hui est très au-delà de ce qu’ils ont connu au moment de la crise Covid, En outre, est constatée une contraction des achats et donc du commerce mondial. À cela s’ajoute l’impact de l’augmentation des droits de douane américains. Avec une fermeture du marché américain amorcée bien avant l’élection récente de Donald Trump. À noter également : une forte appréciation de l’euro depuis février 2025 (+12% vis-à-vis du dollar).
Xerfi a relevé que les adhérents de la fédération semblent d’ailleurs, dans l’ensemble, assez pessimistes. Si 15% des personnes interrogées disent anticiper une hausse d’activité dans les prochains mois, quelque 50% prévoient une stagnation. Par ailleurs, 35% des répondants s’attendent plutôt à une baisse d’activité.
Selon les spécialistes invités, si un rebond de l’économie est attendu en 2026, il sera toutefois très relatif. Une relative prudence est de mise. La croissance mondiale est durablement déprimée et les prévisions de Xerfi et de la Banque de France concordent : la croissance sera faible.
Un chiffre d’affaires en retrait après un fort rebond entre 2020 et 2022
Selon Xerfi, le secteur du cartonnage représente 60 Md€ facturables en Europe, généré aux deux-tiers par l’ondulé (rouleaux et boîtes). Ainsi, le chiffre d’affaires du cartonnage ne suit plus la courbe du PIB, les deux indicateurs sont décorrélés depuis la crise du Covid : le CA du cartonnage a connu une envolée après la crise (+22,3 % en 2022), plus importante que celle du PIB, avant de connaître une chute en 2023 (-7% en 2023 et -4,6% en 2024), plus forte que celle du PIB.
Face à l’Allemagne qui affiche une production en valeur de 16,6 milliards d’euros, la France se positionne en 3e position derrière l’Italie, avec une production de 7,6 Mds €. Avec respectivement 624 entreprises en Allemagne (qui emploient en moyenne 106 salariés), 1064 en Italie (27 collaborateurs en moyenne) et 391 en France (77 personnes en moyenne). «Beaucoup de petites entreprises industrielles, familiales, locales italiennes interviennent en sous-traitance de grands groupes, en particulier de grands groupes allemands», a complété Jérémy Robiolle. À noter également : la Pologne, en 5e place, affiche une production en valeur qui n’est inférieure que d’environ 20% à celle de la France. «Ce pays que nous regardions d’une certaine condescendance est en train de nous rattraper», a souligné Jean-Marc Lebhar, président de la fédération CAP.
D’après les données de Xerfi, la France est le premier pays importateur en Europe (2,1 Md€) dans le domaine du papier-carton mais exporte assez peu (828 M€). Le déficit commercial de 1,2 Md€ pour le pays. Le secteur est très concentré et dominé par des groupes d’Europe du Nord (Smurfit Westrock représentant 14,4% du chiffre d’affaires).
Selon la Banque de France, le cartonnage pliant (118 entreprises, 8709 salariés) a généré 1 970 M€, le cartonnage ondulé (151 entreprises, 5366 salariés) 1525 M€ et les articles de papeterie (36 entreprises, 3006 salariés) 972 M€. Tous les segments ont vu leur chiffre d’affaires baisser entre 2023 et 2024 (alors qu’ils avaient cru entre 2020 et 2022) : -11% pour le carton ondulé, -8% pour le carton pliant et -6% pour les articles de papeterie.
Une réglementation plurielle
Kareen Desbouis, déléguée générale de COF (Carton ondulé de France) et coordinatrice de Cofepac (Comité français de l’emballage papier carton), a pour sa part présenté les évolutions de la législation française et européenne, évoquant en détail les réglementations et rappelant leur calendrier de mise en œuvre. Entré en vigueur le 11 février 2025, le règlement européen sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR) sera applicable le 12 août 2026.
Le règlement RDUE visant à interdire la mise sur le marché ou l’exportation depuis le marché européen de produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts – qui couvre sept commodités comme le café, le cacao, l’huile de palme, etc. et des produits dérivés comme le cuir, le charbon de bois ou le papier imprimé – entrera bientôt en vigueur (30 décembre 2025) et devra être appliqué le 30 juin 2026 pour les PME, sauf si un nouveau report d’un an, récemment annoncé par la Commission, est voté. La “responsabilité élargie du producteur” (REP) dite des emballages professionnels a également été largement évoquée par Kareen Desbouis. Applicable dès le 1er janvier 2026, elle complétera la REP emballages ménagers : ce qui n’est pas un emballage ménager sera considéré comme un emballage professionnel.
Le cahier des charges, à l’étude, préoccupe les professionnels de l’emballage. D’une part, l’écocontribution pour financer les emballages réemployables risque d’être plus importante que dans le cas des emballages ménagers. D’autre part, la filière devra contribuer à la prise en charge des emballages professionnels collectés par les collectivités. Avec deux autres points sensibles : le soutien financier de la traçabilité et les dépenses dites obligatoires. D’autant qu’il reste encore à savoir à qui cela va s’appliquer… « On ne lâche rien ! » mentionne le dernier slide de Kareen Desbouis pour rappeler la détermination collective à plaider la cause de la filière auprès des pouvoirs publics.
La journée a pris fin avec un focus technologique portant sur les apports de l’intelligence artificielle générative : un exposé de Julien Zeh et Florian Rapp (agence Kanelure) et Thomas Othax (société Packitoo à l’origine de Hipe, une solution de cotation d’emballage ayant recours à l’IA).